Interview de Paola Navone
Le fait que Paola Navone ait décidé d'écrire une thèse sur le mouvement radical en dit long sur elle.
Née à Turin, c'est une citoyenne du monde : elle a vécu à Hong Kong, aux Philippines, en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande, à Milan et à Paris, visitant souvent Trieste et se sentant chez elle en Inde, en Chine ou en Grèce. Elle est toujours à la recherche de nouveaux endroits à découvrir. "Radical" est un adjectif qui convient non seulement à son âme et à sa façon de vivre, mais aussi à son approche de l'architecture, du design et des projets d'aménagement : un autre point de vue.
Sa collection d'œuvres est assez vaste et il est difficile de la raconter en moins de cent pages. Toutefois, il convient de mentionner son partenariat avec Abet pour souligner son attention au "design primaire" (probablement appris des radicaux florentins). En 1988, elle réalise la collection Mondo pour Cappellini, où se marient différentes cultures, comme l'Afrique et le Tyrol (Afro-Tyrolean Village à la Fabbrica del Vapore (Milan 1990). Ou encore les expositions "Les nouveaux artisans d'Europe" et "Les nouveaux artisans italiens", réalisées pour la Casa Pitti de Florence.
C.M.
Vous avez beaucoup voyagé, vous vous êtes associé à des artisans de différents pays. Dans quelle mesure ce nomadisme culturel a-t-il influencé vos projets ?
P.N.
J'ai entraîné mes yeux à observer les choses de tous les jours, les objets modestes, les articles ménagers. J'ai appris, en collaborant avec les artisans de différents pays, à respecter les compétences manuelles et les traditions intuitives. J'ai compris la beauté et la pertinence des objets quotidiens chargés d'histoire, capables d'être intemporels. Je les ai étudiés et collectionnés.
C.M.
Puis-je vous qualifier d'anthropologue des objets du quotidien ?
P.N.
Bien sûr. Plus que les comportements des gens, je m'intéresse aux objets qu'ils utilisent, aux règles non écrites qui découlent de leurs usages. J'aime les formes, les textures, les matières et les gammes de couleurs des artefacts de diverses cultures. Les observer et les étudier m'enseigne les secrets de la fonctionnalité et de la pertinence. Cela m'aide à découvrir attitudes et comportements d'autres cultures. Les objets peuvent transmettre des goûts, des idées et des relations.
C.M.
Est-il risqué de dire que votre école, plus que celle des maîtres du design, même si vous avez fréquenté les protagonistes du mouvement radical, étaient les choses quotidiennes du monde ?
P.N.
En partie. Les choses de tous les jours sont mon alphabet. J'aime les utiliser hors contexte pour donner aux "non-lieux" le sens conciliant de la domesticité.
C.M.
Vous voyagez beaucoup, mais vous ne dédaignez pas d'avoir des racines solides. Vous avez une maison à Milan, à Paris, en Grèce, et vous en avez aussi eu une à Hong Kong.
P.N.
J'aime aménager des lieux où reposer les choses que j'ai collectées, transformées et conçues, les archétypes et les objets éphémères.
C.M.
Parmi vos nombreux projets, il y en a plusieurs consacrés à la table.
P.N.
J'aime la convivialité, partager mes espaces et mes créations culinaires avec des amis, même si j'ai souvent cuisiné chez des amis aussi. J'ai conçu des assiettes pour différentes entreprises, dont Driade et même pour le catalogue Esselunga Fidaty, réalisé par Fasano ceramiche di Grottaglie.
C.M.
Peut-on dire que la vaisselle et les arts de la table représentent pour vous une figure expressive importante ?
P.N.
Peut-être. Je pense au "Taste Lounge", créé en 2009 dans le pavillon Visconti de Via Tortona, pendant le Salone del Mobile de Milan, dédié à la table et à la convivialité, grâce à la collaboration entre Pitti Immagine et Richard Ginori. La scénographie a été réalisée avec les collections de Richard Ginori, utilisées comme des carreaux de mosaïque.